Je reprends la plume lors de cette journée du 17 décembre 2007 pour signifier mon amertume, mon irritation, et mon écoeurement.
CAR JE SUIS ECOEURE !
Faut-il rappeler combien longue fût l'épopée quasiment homérique à laquelle j'ai participé aujourd'hui, bon grès, mal grès ? Faut-il rappeler que dans la vie on a autre chose à faire qu'à passer sa vie dans les transports pour rien ? Faut-il rappeler que certaines chansons devraient être rayées de mon MP3 avant qu'elles ne me donnent envie de me faire exploser le chef sur la vitre arrière du bus ? Faut-il rappeler enfin que moi aussi j'ai une vie de labeur, d'inquiétude, de stress qui demande une organisation réglée de tout instant et qu'en plus je ne gagne aucun salaire pour cela ?
Non ? Rien à faire, j'insiste et je persévère: une journée pareil, ca devrait être enseignée aux enfants dès le plus jeune âge pour qu'ils évitent de perdre leur temps !!!
Aix. C'était, ha je m'en souviens comme si c'était ce matin, un matin d'hiver où le doux bruissement d'un sac plastique dans le couloir me reveilla dans la douceur d'une atmosphère urbaine digne des plus grands romans de Zola. L'objectif de ma journée m'apparaissait alors avec la même simplicité qu'il fallut à Thésée pour décapiter Méduse... 17h28.... billet... trajet Aix-Marseille, Marseille-Paris porté par les séraphins, les petits moineaux champestres, illuminés par le cercle incessant des lucioles et encadrés par l'allégorie de la Justice et de la Volonté sous l'air enthousiasmant de l'Ode à la joie.
C'est à ce moment où l'on commence à réfléchir avec une certaine insistance... billet... 17h28... Marseille... Aix... billet... papier... Marseille... IDTGV... Aix... papier... 17h28... billet... IDTVG... Marseille... papier imprimé... IDTVG... Aix... IMPRIME !!! Je me rappelais alors dans le fracas d'une vision apocalyptique que la place de l'étagère contenant d'habitude l'heureux césame qui m'aurait permis d'imprimer était aux mains de créatures dont l'évocation même semblerait être un blasphème pour Satan.
Soit, ne nous arrêtons pas à ces entrefaits, il ne s'agit plus désormais d'agir, mais de réagir. Il faut ranger, se préparer, penser, organiser, nous partons que diable ! c'est certain ! comment pourrait-il en être autrement ?
... Comment ? c'était pourtant simple.
13H00 - il faut nous restaurer pour tenir bon pendant le long périple qui nous attend.
14H00 - La maison est propre sans être réellement rangée, l'habit est mis sans être religieux, les dispositions administratives et universitaires sont prises pour que ce voyage pèse aussi lourd que n'importe qu'elle pierre de cathédrale, que n'importe qu'elle morceau de feraille sur notre chère Tour Eiffel. Un apport à la science, un morceau de mon édifice intellectuel.
15H30 - téléphone énergique et requinquant de mon Papa à moi qui me dit d'une voix rassurante : "oui, si tu veux je peux t'accompagner mais tu n'y arriveras pas". Ah ! Joie.
15H45 - Voilà, l'instant fatidique où je prend le chemin du départ. En insérant les poubelles dans la benne devant chez moi, je ressens une nouvelle fois les effluves qui ont bercé ces derniers jours, une vie de bohème, de langueur, de grâce épisodique où l'homme apprend à nouveau le sens de l'insouciance...
15h50 - Arrivé à la moitié du trajet, me faut-il vraiment encore penser à ce que j'ai oublié ? Oui ? tanpis... mon portable vert et si féminin résonne à mon esprit à la manière d'une vieille culpabilité sordide où l'on aurait oublié de nourir son hamster Jôgul et qui serait mort d'épuisement à force de grignoter les barreaux en fer de sa cage... je cours, me précipite, grimpe les trois étages de mon immeuble par trois marches, ouvre la porte en haletant, la clef s'insérant sans conviction dans la serrure, pénètre dans l'Olympe pour y dénicher l'oeil de gorgone, cassé. Il n'y a pas de temps à perdre ! je redescend, mes sens ne me guident plus, je suis déjà dans le train, tout est fini, mon corps descend, il connait le chemin, mon esprit s'évade, il est à Marseille, Lyon, Paris enfin ! non. Arrêt net. Milieu des escaliers. La certitude de n'avoir rien oublier ne me précipiterait-il pas dans une hallucination aussi réconfortante que l'opium et peut être tout aussi nocive ? Maudit soit cette absence de confiance en moi... je remonte croyant n'avoir pas fermé la porte... vérification... une fois, deux fois... non je ne peux rentrer. C'est bon.
16h00 - Il s'agit à présent de faire vite. Non de courir, mais d'aller vite, très vite. Le mini-bus, transport du peuple, des hommes à l'âge incertain et des camés du centre-ville aixois, serait-il la solution ? Ce fût ma solution.
16h15 - Il arrive. C'était une solution.
16h25 - Le car, enfin, première étape de mon épopée fantastique où un Kraken hideux et ventripotent m'arrache la carte des mains parcequ'il "faut appuyer plus fort, jeune homme". Un sourire, je ne pipe mot, je m'asseois. Ma conviction était alors que pendant une certaine demi-heure, je pouvais espérer, sinon les moineaux et les lucioles, au moins l'Allégorie de la Volonté et de la Justice accompagnée de celle de la Tranquilité, pour assurer mon trajet... Que nenni ! dans les trois-quatre secondes, voici le sage de la montagne sacré, atteignant un âge dont on ne sait aujourd'hui plus vraiment s'il dispose de trois ou quatre chiffres, choir à mes côtés à la manière d'un aigle royal abattu en plein vol en faisant cette remarque qui restera certainement dans les annales des dictionnaires encyclopédiques d'un Voltaire ou d'un Rousseau : "On est plus à l'aise à l'avant qu'à l'arrière quand on a de grandes jambes -héhé-"... Hé-Hé. C'est le début des dialogues de bon aloi, de bienséance et d'une platitude vulgaire ponctués par les violents regards que le sage me lançait dès que j'émettais l'idée de remettre à mes oreilles les écouteurs de la musique émancipatrice.
17h00 - cette séance de torture est finie. Les portes s'ouvrent. Mon voisin se rue en avant, sans laisser sortir ni enfant, ni femme enceinte, vous comprenez, l'âge efface les plus rudimentaires leçons d'élégances.
17h07 - Il faut encore se dépêcher et essayer de ne pas rater le bus. Ouf ! le bus n'y est pas. Je n'ai pas à me dépêcher. Attendons-le c'est une affaire de quelques minutes.
17h11 - Ouf ? au soulagement premier d'une pensée résultant certainement de la fatigue seconde l'agacement, j'étais agacé.
17h17 - Un bus ! "Au dépôt", Je grogne.
17h25 - Un autre ! "Terminus modifié" Je fulmine, je vocifère même, rien y fait.
17h30 - Aha ! Un 18, un vrai, en parfaite état de marche avec un chauffeur, deux roues motrices, qui avancent et qui reculent, pas une de ses répliques illusoires dont mon esprit se contentait jusqu'à présent pour entretenir en moi les quelques cendres encore chaudes d'une flamme qui, au matin même, brûlait de mille feux !
Je n'en crois pas mes yeux... je monte.
17h30 - 18h10 : Le trajet se déroule sans heurs. Mon MP3, fidèle pour décharger en moi d'une manière incessante une foultitude de sensations différentes, selon la musique qu'il me sélectionne, s'est senti certainement l'humeur friponne. En effet, celui-ci m'ascène LA musique qui me rappelle le pire moment de ma vie, LA musique qu'il fallait mettre pour compléter la colère par la tristesse, LA musique qui amalgame l'or de tout instant de ma vie, en plomb. De folles images circulent alors dans mon esprit. Je prie le ciel de me contenir... l'envie d'ouvrir le crâne de mon voisin me prenait soudainement... sans que celui-ci ne soit à l'origine de ma colère... quoique... il avait l'air bête... Bon, si c'était une bonne raison pour agir ainsi... Il n'y aurait plus assez d'hommes pour faire marcher l'humanité. Je restais donc sourd à mes pulsions sauvages et remerciais le ciel de me trouver dans un bus et non dans un avion ce qui aurait été plus commode pour effectuer un petit saut salvateur.
18H13 - L'horloge !! enfin ! je la vois ! ce nouveau contact avec le temps me ravit ! il est alors possible de réaliser encore quelques miracles qui pourra donner tout son sens à cette pénible journée d'hiver ! Il faut atteindre l'ordinateur portable avec la rapidité du guépard et l'agilité du chimpanzé et non la rapidité du koléoptère et l'agilité du zébus comme ce fût le cas. Les guépards ne portent pas le sac de 40 ans d'archives policières, eux, aussi... Je manque de renverser les meubles de l'entrée... qu'importe ! le temps presse.
J'allume l'ordinateur portable... le monstre a le sommeil lourd... il démarre... 30sec., 40sec., il démarre toujours, 1min...1min 50... 2min, il démarre encore - son horloge affiche: 18H17 - ... J'essaye d'ouvrir une page web, rien.... 3min... toujours rien. J'en ouvre une autre... rien... une autre... rien et encore une autre... rien... 4min.
Soudain, c'est l'abondance ! Toutes les pages web apparaissent, même celle que je n'ai pas demandé... La présence paternelle siège à mes côtés en ces dures instants où il me faut me concentrer, en me posant des questions incessantes sur ce qui se passe alors que je lui avais expliqué mon problème au téléphone trois heures auparavant...
Je suis d'un naturel fort calme.
D'habitude.
18h25: Une page web s'ouvre ! Je bombe alors le torse tel le spartiate qui ramène la dépouille encore chaude dans le cercle de son dème pour assurer enfin à chacun qu'il est enfin un adulte et je montre enfin le doux césame à mon paternel afin d'accéder à sa bénédiction spirituelle: Un prix formidable... un destin qui me souriait pour m'avoir mener à résidence avant 18h30... nous pouvions mettre à execution le plan que nous avions élaborer tantôt et qui consistait à me faire accompagner en voiture jusqu'à la bouche de métro la plus proche... plus fort que le plan Schlieffen, il devait cependant aboutir au même résultat.
"Et il n'y a pas d'horaire pour demain matin très tôt plutôt ?" retorqua-t-il à cette démonstration. Cette question eut l'effet d'un gong à mes oreilles.
"...." affichais-je.
Dans ma tête, des singes en tutu commencent à jouer du banjo.
Je vérifiais alors les horaires pour le lendemain matin, sans me démonter. Les horaires s'affichent. Mais pas les prix...
Les singes en tutu s'accompagnaient alors immédiatement d'éléphants roses bassistes en costume de la Garde républicaine qui faisaient des willy en Skidoo.
On appelle alors ma soeur pour qu'elle vienne vérifier.
Celle-ci, ereintée par une journée de labeur, souffle d'épuisement, et se traine péniblement, telle une goule amère et livide jusqu'à nous. Je me languissais dès à présent à l'idée de passer ma soirée aux côtés de toute cette joyeuse compagnie.
Ma soeur, par quelques manipulations païennes, met ainsi les prix à l'affichage.
94 euros, pour tout les trajets de la journée.
Youhou !!! A ce moment, les éléphants s'équipent de cigares et de monocles et interpellent les singes aux titres de barons, comtes et marquis... c'est un minimum.
Nous terminerons alors par signaler le bon ton paternel qui ne manque pas une nouvelle fois de m'apaiser en me répétant sans cesse: "Ce n'est pas évident qu'on y arrive, parceque tu comprends, blablablablablablabla...", bref, La bonne vieille rhétorique du chômeur qui reste à la maison parceque ca paye mieux que de travailler...
Clic. Dans ma tête. Voyez-vous. Là. C'est le génocide. La guerre des singes contre les éléphants. C'est la IIIe guerre mondiale avec la bombe atomique et sans O.N.U.
Pour finir, Discution du soir sur une expérience mystique de mon père... des plus déprimantes. C'est le moment où l'on ramasse les corps des singes éventrés par les défenses et étouffés sous les pattes des mastodontes. Déprime, angoisse, ennui... Marseille.