En regardant la dernière fois un film sur Dagobert (celui avec Coluche), j'ai recueilli quelques phrases qui, replacées dans le contexte de l'époque, sonnent d'une manière assez spéciale...
Par exemple :
Lors de la fameuse scène où on voit la culotte de Dagobert à l'envers lorsqu'il arrive sur le trône, celui-ci répond à sa cour hilare : "Sachez que pour un Roi, l'envers vaut l'endroit... et vice versa".
Lorsqu'il se présente devant le pape Honorius 1er, et un concile de prélat, pour demander pénitence pour sa vie de débauche -alors que, au passage, il ne se sont jamais rencontré, cela reste un détail- Dagobert, interprété magistralement par Coluche, jouant le débauché peu soucieux de la situation, s'écrit en voyant le Pape : "Désolé je vous avais pas reconnu, l'habit fait pas le moine alors encore moins le pape."
De même, un fait reste choquant dans le film : la primauté de la papauté sur les évèques de l'ensemble de l'Eglise romaine d'occident ne s'établissant que progressivement du IX au XI ème siècle... l'évèque de Rome sous Dagobert, c'est-à-dire au VII, n'avait qu'une prédominence d'honneur... et non de cette espèce de prosternation systématique qui entoure le Pape tout le long du film.
Cependant, une phrase a retenu bien plus mon attention, car au delà de sa tournure amusante, elle représente bien l'idée du pouvoir pour Dagobert : "A quoi servirait le pouvoir si ce n'était pas pour en abuser." Or, ca n'a rien à voir avec la conception même du pouvoir dans le Moyen-âge. L'abus en lui-même n'est pas possible. Il y a toujours des élites, l'aristocratie pour vous rappeler qui vous êtes, pour vous rappeler vos limites et vos devoirs. Il faut être un chef guerrier, une autorité, et, bien sûr, avoir une légitmité de sang (descendant de Clovis). Après, ce que vous faîtes de votre vie... tout le monde en a cure, tant que vous faîtes repentance et que vous réalisez quelques dons aux évèques locaux, -exemple des peintures de la Basilique Saint-Denis pour Dagobert-, on est prêt à fermer les yeux et à comprendre.
Cette période de l'histoire de France est d'ailleurs assez mal comprise et mal percue. Si l'on prend par exemple la situation des femmes, bien peu savent combien celles-ci furent importante pour l'Europe entière lors de ces siècles. Bien peu savent encore que les femmes étaient considérées "inférieurs" seulement parcequ'elle ne pouvait participer à la guerre mais aucune autre idéologie n'en découlait. De cette sorte, et même si la loi salique était en vigueur, les reines mérovingiennes avaient beaucoup de pouvoirs et les femmes en elle-mêmes dans la société n'avaient une place plus réduites que celle des hommes.
Prenons le cas de Clothilde (femme de Clovis) qui influenca grandement la politique entière de son mari pour qu'il se convertisse au christianisme, lui et tout ses guerriers, Brunehaut (femme de Sigebert) qui instrumentalisa l'ensemble des affaires familiales des descendants de Clovis d'abord pour venger sa soeur Galswinthe puis pour préparer à sa descendance la part d'un immense royaume en Neustrie-Austrasie , Nanthilde (femme de Dagobert) qui tempera, par un caractère strict et pieux, les écarts répétés de son mari (c'est notamment la première femme qui réclama la "fidélité" à son mari au nom des principes de l'Eglise), Maria (fille de Stilicon) qui en devant la femme d'Honorius premier assura un calme relatif entre les populations romaines et vandales etc.
Dans tout les cas de figures, la femme est un élément central du monde mérovingien. Cependant, une phrase que j'ai trouvé amusante dans la bouche de Dagobert fait comprendre son peu d'égard pour leurs rôles historiques puisqu'il affirme à une demoiselle qui refusa ses avances ( pour la première fois de sa vie...)
"Nous allons nous retirer de manière à vous débarasser un petit peu, et puis nous reviendrons pour vous accabler encore davantage".
Pour terminer, il faut quand même dire un mot sur la fameuse culotte de Dagobert afin de rétablir la réalité historique. Il s'agit évidemment d'une grossière manipulation révolutionnaire... je ne vous apprendrais rien.
Par contre, cette manipulation part d'une certaine vérité. Dagobert était myope et volage. Il n'hésitait pas, avant un conseil royal, à se faire plaisir avec une courtisane de sa suite -pauvre Roi, avec toutes ses reponsabilités il faut bien se vider l'esprit- et de revenir immédiatement après afin de commencer à recevoir les dignitaires de son royaume. Hors, lors d'un de ces conseils, celui-ci se hata de remettre son pantalon et s'empressa de gagner son trône.... la rapidité, l'affolement, ses problèmes de vues l'ont amené devant sa cour avec la culotte mal mise... bref totalement défroquée... de là à dire si elle était à l'envers... il est fort possible que les révolutionnaires de 89 est un peu exagéré pour augmenté le ridicule de la situation.
Cependant Dagobert avait le sens de l'auto-dérision et cet évènement est passé ainsi avec la tradition de la cour à la population, de la population à l'histoire des troubadours, des troubadours aux révolutionnaires.
En effet s'il avait vraiment voulu que cela ne se sache pas, il y avait bien des moyens...
Ce sens de l'auto-dérision se retrouve à la fin de cette chanson, au moment où le Conseiller et confesseur du Roi, l'évèque Eloi, l'invitant à plus de modestie et de repentance. Celle-ci traduit cet évènement de cette facon :
Quand Dagobert mourut, le diable aussitôt accourut.
Le grand saint Éloi lui dit: ô mon roi!
Satan va passer; il faut vous confesser.
-Hélas ! lui dit le roi ,. ne pourrais-tu mourir pour moi ?