Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Les journées se poursuivent et l'ennui grandit. Quand on est petit, on s'imagine que de vivre seul quand on est une grande personne, c'est non seulement un drame personnel, mais c'est aussi un signe d'échec significatif par rapport à soi. En tout cas, moi, c'est ce que je pensais.
Or... je pense que se sentir seul est bien pire que de l'être. Et pour cela, on a pas besoin d'être célibataire. Ces moments sont parfois des instants de réalisme. On s'arrête un temps, on réfléchit, on regarde autour de soi, on se dit qu'aujourd'hui ressemble à hier et sera sûrement comme demain.
Les journées se poursuivent et nos chances de les renouveler s'effondrent d'heures en heures, de secondes en secondes.. En même temps, il y a un sens plus positif à entrevoir dans cela : notre bonheur nous semble tellement important, tellement complet qu'on a envie d'en profiter à chaque micro-seconde... et le fait de comprendre que non seulement on en profite pas au maximum mais qu'en plus, on en profite pas du tout... ca fait déprimer.
D'autant plus que j'ai toujours eu une vision du temps traumatisante. J'imagine la vie comme un mur qui se place derrière nous et qui nous pousse à chaque seconde d'une micromillimètre au devant d'un précipite sans fin, où nous ne voyons pas le fond... alors ma morale chrétienne a beau me dire qu'il y a une autre vie en dessous... j'ai quand même un peu peur de la chute. Avec cette vision, j'essaye de rentabiliser toutes les secondes que Dieu me proposent... mais... à partir du moment où ma vie ne dépend plus que de moi... je ne contrôle plus cette rentabilisation...
Bien sûr, je ne dis sûrement pas qu'il faut tomber en dépression devant le sentiment intarissable que le temps passe -j'irais presque jusqu'à dire- sans nous, mais qu'encore une fois... les deux personnes pleinement heureux face à cette pensée soudaine sont soit les imbéciles heureux, soit les blondes... en bref, les personnes qui n'ont aucun décalages avec leurs actes et donc aucune analyse de leurs vies... de leurs situations... des heures qui passent.
Il reste que je n'avais jamais imaginé combien il était dur de vivre en couple, combien il était dur d'apprendre à porter quelqu'un quotidiennement, d'apprendre à ne plus être vu ou d'apprendre à être vu comme un Ange pendant une seconde, puis à ne plus exister la seconde ou le jour d'après, à attendre la passion du premier jour comme on attend le bus un jour de grève...
Bref qu'une vie soit réglementée, pragmatique, comme on va de gare en gare en partant exactement à l'heure indiquée. Les choses qui doivent être faîtes sont faîtes... les quelques écarts permis se passent dans le couloir du wagon, si l'on souhaite courir, sauter, crier, faire un petit écart dans un espace exigu, mais dans le même direction, sur le même siège... on s'asseoit... un temps... on se relève... un temps, prochaine gare. On est à l'heure.
Tout recommence.
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
...Comme disait l'Autre.