S'il était, dame, une plume,
Pour enfin dire mes pensées,
Pour décrire ce que nous fûmes
Et ce qu'à jamais vous serez,
Elle s'épuiserait au premier mot,
De tant d'adresse son doux fardeau,
Elle aurait l'âme du moustique,
La lame vibrant dans ce qu'elle pique
Mais qui s'effondre d'avoir tenté
D'aspirer l'oeuvre dont vous inspirez
La pauvre plume meuble et débile
Sous votre coupe devient agile
Vos yeux scintillent, elle s'agenouille
Pour puiser source qui s'écoule,
Liquide brûlant et Hypnotique,
D'un érotisme parfois tragique,
Exercant l'oeil du graphite,
Trouver le vers où il s'abrite
Pour cacher ce coeur au secours,
Ecrire tempête au grand Amour
La plume seule file son étreinte,
Face à son verbe, aucune contrainte
Aucune nuance et aucun nom,
Le trait s'emballe sans obsession,
L'écrit aligne pourtant l'image
Finit de feindre, votre visage,
Dans un vers, il n'y a qu'une ligne,
Ce sera sa guerre, vos lèvres signent.
S'il était Dame cette plume,
Combien de mains pourraient sentir,
Ces mouvements larges du désir
Qui s'évertuent seul à danser,
Arrondir chaque boucle carré,
Aimer la honte dans son espoir
D'avoir une lettre suivant "ce soir".
Lisser un songe sans harmonie
Et, d'un sonnet sans un récit,
Se suffirait mimant le son,
Lorsqu'elle s'évade à l'abandon,
Rapide rapière retrouvée morte
Sans une blessure la griffure porte
Un hurlement sombre et sans rime
Que le silence, parfait, élime...
S'il n'était Dame ma plume
Aucun parti qui nous résume,
Aucun support où griffonner
Ce verbe quelques fois murmuré,
Si l'écriture fort éloquente
N'avait d'empreintes toujours vacantes
Pour le parchemin de ses rêves,
Point de frontière la douce sève
glisse sans fin sur sa chair fleuve
Pour un bon mot, pouvu qu'il pleuve
Des synonymes, phèmes et lithotes,
la lame s'épuise tant elle trotte,
Continue encore d'écrire demain
De nuit en lui ce grand chagrin,
Du jour au jour jusqu'aux prochaines
Les lettres appellent chaque lettre à peine.
L'idiome versé en ce coeur-lit
Parle un language alors proscrit
Car découvert à l'oraison,
Remplit les gués de dévotion,
Déborde un peu de tout côté,
Finit par recouvrir tout à fait,
Il déverse là, noie et dévore
Tout les méandres qui jusqu'alors
Formaient à la Terre ésemmée
L'histoire des mâles qui l'ont froissé.
Au parchemin n'existe qu'une
Femme brillante au coeur de lune,
Sa chair sacrée, sa laine brune,
Assez robuste pour épouser
Dans l'encre noire, la volupté.
S'il était plume Ma dame
Pour ne trouver cette grande femme,
Elle chercherait, triste misère,
A terminer sa tendre guerre,
A tenir fine sa position
Cassant sa mine de compassion
Croûlant seule sans qu'aucun bras
Ne la retienne lorsqu'elle choira
Et si alors elle devait choir,
Sans se lever, ni s'émouvoir,
Si plus jamais une main l'agite
Elle attendra qu'un temps l'effrite.
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